Syntaxe enactive, interlocution et didactique des langues (01/2015)
(breton, français, anglais)

Conférencier : Didier Bottineau (CNRS, MoDyCo)

Date et lieu : mercredi 21 janvier 2015, 17h15, Gergovia, salle 429A

Résumé : La théorie des actes corporimentaux langagiers (TACML), dans le paradigme des linguistiques enactives [1], étudie la manière dont la parole humaine dans une langue donnée permet de guider vocalement la synthèse « d’idées » entre soi-même et autrui conformément à un protocole d’élaboration représenté par le lexique, la morphosyntaxe, la prosodie. Dans ce cadre, la syntaxe est envisagée comme un enchaînement protocolaire et routinier d’actes d’élaboration du sens et de coordination intersubjective : énoncer en breton Didier eo ma añv – littéralement, « Didier est mon nom », c’est mettre en œuvre une routine de coordination intersubjective spécifique, propre au breton et distincte de celle que l’on connaît en français avec Mon nom est Didier / Je m’appelle Didier et en anglais avec My name is Didier. Dans la présente communication, on partira des principales caractéristiques syntaxiques de l’énoncé breton pour préciser le profil de la coordination intersubjective dans cette langue, ce qui revient à expliciter la nature du jeu instauré dans la relation soi/autrui dans cette langue et à donner une vue globale de la technique par laquelle on fait advenir le sens et intervient sur autrui dans cette langue. Cela permettra par là-même de donner une vue précise de la nature du savoir-faire à acquérir et des moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. En contrepoint, dans un cadre contrastif, on précisera comment se reformulent certains grands traits syntaxiques de l’anglais et du français dans le cadre enactif de la coordination intersubjective, et on en esquissera les conséquences possibles en didactique du français et de l’anglais langues étrangères, en particulier pour des apprenants de langue première de types très différents.

[1] L’enaction (anglais to enact « produire, mettre en scène ») repose sur le fait que toute activité cognitive sensori-motrice doit être "enracinée" dans une interaction physique effective avec l’environnement. Selon ce registre théorique, qui renoue avec une inspiration phénoménologique, la connaissance serait le résultat d’une interprétation permanente qui émerge de nos capacités de compréhension, elles-mêmes enracinées dans l’histoire de notre relation à l’environnement. Ces capacités s’avèrent alors inséparables de notre corps, de notre langage et de notre histoire culturelle, elles nous permettent de donner un sens à notre monde. La linguistique énactive prend donc acte de ce que le langage émerge du corps (muscles, articulations, membres) et qu’il s’établit dans un cadre écologique (milieux du locuteur et de l’allocutaire) mais aussi dans un environnement social (anticipations, intersubjectivité) avec toutes les répercussions que cela peut avoir à tous les niveaux de la compréhension et de la production du langage.