Domaines de recherche et intérêts

I - L’Emergence Linguistique du Rapport à Soi / du Rapport à l’Autre

Dans le cadre du projet DECLICS (Dispositif d’Études Cliniques sur les Corpus de Santé), je mène un travail d’analyse d’entretiens patient-psychanalyste. L’étude porte sur la construction linguistique du rapport à soi, et plus précisément sur la représentation de soi qui relève du discours du patient. Les deux locuteurs étant placés en situation dialogique, l’examen porte également sur des tournures variées (« vous savez », « eh ben / eh bien », « oui »/« non »), qui, en situation dialogale, participent davantage à maintenir la relation interlocutive installée qu’à transmettre une information à l’allocutaire. L’emploi alternatif des modes (indicatif, subjonctif, conditionnel) est analysé comme une marque de manipulation (consciente ou inconsciente) d’un locuteur souvent en quête d’approbation. On s’attarde enfin sur l’inconstance du « je » et sur l’emploi d’autres pronoms (« on », « il »), dont les occurrences ont tendance à brouiller la stabilité incertaine du cadre interlocutif de l’échange dans un cadre médical.

Les marques langagières susmentionnées – plus qu’elles ne révèlent la construction linguistique du rapport à soi – placent l’Autre, au cœur du système interlocutif. La prise en compte de l’interlocution comme motif structurant invite à considérer plus attentivement la relation que le patient, en tant que locuteur, établit avec son allocutaire. Le rapport à l’Autre trouve ainsi une place équivalente à celle du rapport à soi, tous deux scrutés par une grille d’analyse linguistique qui donne à l’Autre un rôle fondamentale.

L’étude des schèmes interactionnels des entretiens seront approfondis par l’examen de la notion d’empathie, telle qu’elle est structurée linguistiquement. On définit l’empathie comme la capacité à se mettre à la place de l’Autre pour comprendre ses sentiments, ses émotions et ses intentions. Les traces langagières du patient, mais également celles du médecin révèlent les marques d’empathie qui ressortent de l’échange verbale des deux locuteurs, qui adoptent alternativement le rôle de l’Autre. Un corpus d’entretiens constitue la base de ce travail exploratoire.

II - Le Langage Fictif

Dans le cadre des recherches menées actuellement sur les Directives Anticipées (DA), je suis associée aux programme PPDA [Parlons et Pratiquons les Directives Anticipées] et au programme DAVE [Directives Anticipées Valeurs Ecriture]. Dans les deux programmes, il s’agit de constituer des corpus de DA spontanées (EHPAD) ou de DA provoquées (en lycée). Le recueil des DA constitue un corpus (en cours d’élaboration) qui permet l’évaluation du rapport à la vie, celui de la fin de vie, et celui de la mort des locuteurs interrogés. Par l’écart d’âge des populations concernées, l’étude se veut contrastive. Elle donne lieu à la structuration linguistique d’un thème (la fin de vie) d’une évidence incertaine, marqué par un discours souvent « fictif » (l’inverse d’« effectif »), situé dans une période assurément ultérieure pour les personnes interrogées.

III. La Structuration Langagière de l’Espace

Langage et Espace : questionnements initiaux sur corpus écrits

À partir d’une étude sur le corpus COCA [Corpus of Contemporary American English] regroupant les emplois spatiaux et non spatiaux des verbes come, go, fall et rise, l’objectif de mon travail de thèse a consisté à discerner les charges morphosyntaxiques et les variantes sémantiques du schème-image du chemin [PATH schema]. Des analyses multivariées ont révélé les traits sémantiques prototypiques de ce schème-image ainsi que sa construction prépositionnelle dans la logique des langues à satellites, comparée à celle des langues à cadrage verbal. Les exemples tangents de cette étude ont mis en avant l’adaptation immédiate de la structure morphosyntaxique de ce schème au contenu sémantique conjonctural dans lequel il s’inscrit. À la recherche d’un invariant discursif soumis à une définition fragile dudit schème se sont imposés les motivations dialogiques du sujet parlant et la mesure égocentrée de son expérience, qui ont orienté mon travail vers une approche enactive, faisant une place prioritaire à la corporéité.

Langage et Espace « en acte »

A partir de l’étude de la structuration langagière du chemin, et plaçant la corporéité au centre des expérimentations décrites ci-après, j’ai mené des expériences visant à évaluer l’interaction entre l’espace et le langage chez l’adulte. Plus précisément, ce projet a permis de mesurer l’influence de l’activité kinesthésique sur les productions langagières du sujet parlant. Le but a consisté à évaluer la description langagière d’un adulte décrivant la navigation spatiale d’un autre adulte le long d’un parcours, dans le cadre de scénarios expérimentaux définis par un protocole scientifique. L’intérêt du dispositif visait à tester une problématique évaluant une variable non verbale – la kinesthésie – mettant en exergue le lien direct entre kinesthésie et langage. Des expérimentations identiques ont été menées auprès d’enfants en milieu scolaire, du CP au CM2. Le but a consisté à mesurer l’évolution de l’appropriation du langage de l’espace chez l’enfant, entre 6 et 10 ans. Cette étude a été approfondie par la comparaison de la structuration langagière du chemin chez les sujets féminins et masculins, donnant lieu à des études contrastives particulièrement significatives chez l’enfant.

Langage et Espace « en mémoire »

En partenariat avec le laboratoire Physiologie de la Perception et de l’Action (UMR7152) du Collège de France, et le laboratoire Handicap, Activité, Vieillissement, Autonomie, Environnement (HAVAE – EA6310) de Limoges, la problématique Langage et Kinesthésie a fait l’objet d’expériences situant la mémoire de l’espace au cœur de questionnements encore actuellement explorés. Le test de Corsi, utilisée à des fins neuropsychologiques, a constitué la base d’un travail de réalisation de corpus, effectués auprès d’étudiants âgés de 22 à 25 ans et sans pathologie. L’épreuve des blocs de Corsi implique la mémorisation de séquences de localisations spatiales permettant de mesurer la composante visuo-spatial de la mémoire de travail. Elle permet de déterminer l’empan visuo-spatial (ou le nombre maximum de blocs) que le sujet est capable (ou non) de mémoriser. L’évaluation de la mémoire de travail des sujets interrogés a donné lieu à un travail d’investigation linguistique : après chaque passation du test de Corsi, un questionnaire oral a été soumis aux sujets interrogés. Le questionnaire visait à identifier, chez chacun, les stratégies cognitives mises en œuvre pour mémoriser un nombre maximum de blocs. Ces questionnaires ont mis au jour différents schémas syntaxiques et des récurrences lexicales dans la formulation du processus de mémorisation. Une étude contrastive divisant les productions langagières des sujets masculins et celles des sujets féminins a fait émerger des résultats significatifs.