(2010) Najai Mouna

Développement lexical précoce et biais nominal : impact de la méthode de récolte de données et effets de la saillance des informations langagières - Étude expérimentale et approche interlangue français/arabe

- Directeur de thèse : Michel CHAMBREUIL
- Co-directeur de thèse : Pierre-Jean MARESCAUX
- 1ère année d’inscription : 2004
- Spécialité : Sciences du Langage
- Soutenance : vendredi 17 septembre 2010 ; jury : Michel Chambreuil, Professeur des universités émérite, Université Blaise Pascal (Clermont II), Directeur ; Pierre-Jean Marescaux, Maître de conférences, Université Blaise Pascal (Clermont II), Co-directeur ; Abdeljabbar Bengharbia, Maître de conférences HDR, Université Sorbonne Nouvelle - Paris III, Rapporteur ; Dominique Bassano, Directrice de recherche CNRS, Université de Paris VIII, Rapportrice ; Sophie Kern, Chargé de recherches CNRS, Université Lumière (Lyon II), Examinatrice ; mention Très Honorable

Résumé

De nombreuses études sur le développement lexical précoce ont mis en évidence une propension à produire davantage de mots dans la catégorie des noms. Ce biais nominal a été observé chez des enfants appartenant à différents univers linguistiques (e.g., Bates et al., 1994, pour l’anglais ; Bassano et al., 1998, pour le français ; Jackobson-Malonado et al., 1993, pour l’espagnol).

Gentner (1982) a avançé l’idée que ce phénomène tiendrait aux propriétés du système cognitif, qui traiterait plus facilement les entités concrètes auxquelles renvoient les noms que les entités relationnelles entre ces entités concrètes. En conséquence, Gentner (1982) a proposé que le biais nominal devait être universel.

L’universalité du biais nominal est toutefois remise en cause. D’une part, l’ampleur du biais nominal n’est pas constante lorsque l’on compare différentes langues entre elles. Il est même des langues, telles que le coréen ou le mandarin notamment, pour lesquelles on observe initialement un biais verbal (Choi & Gopnick, 1995 ; Tardif, 1996). D’autre part, des variations importantes d’ampleur du biais nominal ont été rapportées dans la littérature semblent dépendre des méthodes de récolte des données verbales (Tardif et al., 1999 ; Salerni et al., 2007).

En regard de la première problématique, nous nous inscrivons dans une approche fonctionnaliste selon laquelle les propriétés structurelles et statistiques de la langue en acquisition ont une incidence sur le développement langagier. En particulier, la saillance perceptive induite par la position et la fréquence des informations langagières est supposée influencer la capacité à percevoir et à produire le langage. Dans cette perspective, nous avons mené dans un premier temps une recherche interlangue français/arabe visant à appréhender le comportement langagier au travers de productions réelles émises par des enfants de 20 et de 30 mois. La structure de l’arabe prédit un biais nominal de moindre amplitude comparativement au français. Les résultats témoignent d’un biais nominal dans les deux langues, biais qui s’atténue avec l’âge et qui est effectivement moins important chez les enfants arabophones que chez les enfants francophones. Dans une seconde étude, nous avons montré, après avoir exposé des adultes à des phrases construites à partir d’un langage artificiel, que leur capacité à repérer les mots de ce langage dépend de la position des mots dans les phrases.

Pour ce qui concerne la seconde problématique, nous voulions vérifier, chez des enfants francophones, si des variations d’ampleur du biais nominal sont bien produites par des variations de méthodes de récolte des données. Nous avons comparé le lexique précoce tel qu’il transparaît au travers d’inventaires parentaux et de productions réelles obtenues dans des contextes variés (i.e., différents types de jeux). Les résultats principaux montrent que le biais nominal est plus important dans l’inventaire parental que dans les productions réelles et, dans ces dernières, qu’il est dépendant du contexte d’observation.

Dans l’ensemble, les résultats suggèrent que le développement lexical précoce est contraint par des propriétés perceptives du système cognitif qui interceptent en priorité les éléments les plus saillants du langage. Ces éléments étant largement dépendant de la langue en acquisition, il apparaît donc essentiel de mener des études dans les différentes langues afin de pouvoir se faire une image aussi précise que possible du développement lexical précoce dans chacune d’entre elles. Enfin, ces études pourraient alimenter des comparaisons inter-langues, qui ne prendront sens qu’à condition de standardiser les méthodes de récolte de données, ceci étant imposé par leur impact sur les résultats obtenus.

Mots-clefs : développement lexical précoce, biais nominal, approche inter-langue, saillance, méthodes de recherches.

najaimouna@yahoo.fr