Laboratoire de Recherche sur le Langage
Maison des Sciences de l'Homme
4, rue Ledru - TSA 70402
63001 Clermont-Ferrand Cedex 1
Le langage inclusif chez les étudiantes et étudiants de l’Université Clermont Auvergne : quels imaginaires linguistiques ?
Le langage inclusif regroupe un ensemble de stratégies langagières, orales comme écrites, destinées à mieux représenter la présence des femmes (et parfois celle des personnes s’identifiant comme non-binaires) dans le langage. Ces stratégies sont de natures très variées : rejet de la règle du « masculin qui l’emporte » au profit d’une autre règle d’accord, stratégies d’évitement (formules englobantes, choix de mots épicènes), marquage explicite du féminin (au moyen d’un point médian, de doubles parenthèses, etc.), la doublure lexicale (emploi d’une forme féminine conjointe à une forme masculine), etc. Si ces stratégies ne sont pas toutes nouvelles, elles font aujourd’hui l’objet de très vifs débats au sein de la société. Cependant, toutes ces stratégies ne sont pas perçues ou défendues de la même façon : ainsi, quand des formes telles que le point médian suscitent des oppositions très fermes, d’autres tendent à être plus acceptées comme la doublure lexicale que l’on retrouve notamment dans les allocutions présidentielles (« Françaises, Français… »). Tout un ensemble de représentations sur ces formes en particulier et sur la langue en général, plus ou moins marquées politiquement, sont greffées à ces formes inclusives consciemment ou non par celles et ceux qui les emploient ou celles et ceux qui en refusent l’emploi ; c’est donc, selon l’expression d’Anne-Marie Houdebine, différents imaginaires linguistiques qui se déploient. Si toutes les formes linguistiques sont entourées d’imaginaires linguistique, ce phénomène est particulièrement visible pour des formes aussi politisées que les stratégies langagières. Nous entendons explorer dans le cadre de ce travail de thèse ces imaginaires linguistiques parmi des étudiantes et des étudiants de l’Université Clermont-Auvergne. Les objectifs sont multiples : nous chercherons tout d’abord à produire un état des lieux et de l’emploi ou du rejet de ces stratégies inclusives et des imaginaires linguistiques liés à ces derniers parmi les étudiantes et étudiants. Cela sera aussi l’occasion de mettre en évidence des corrélations potentielles entre ces éléments et les variables sociologiques importantes telles que le milieu socio-économique, le genre, le profil politique, le niveau d’études, la filière d’études, ou encore l’aisance avec le français. Nous chercherons encore à mettre en évidence les stigmates sociaux attribués ou associés aux personnes adoptant ou rejetant certaines de ces stratégies inclusives. Nous pourrons alors offrir des éléments de compréhension des raisons expliquant l’adoption ou le rejet de ces stratégies inclusives par les étudiantes et les étudiants et mettre au jour des imaginaires linguistiques idéaux-typiques parmi les étudiantes et étudiants. Finalement, ces données nous permettront de rendre compte des difficultés suscitées par certaines de ces stratégies auprès de certains groupes d’étudiantes et d’étudiants, afin de permettre aux enseignantes et aux enseignants de faire des choix plus informés sur les effets sociaux produits par l’emploi ou le rejet de ces stratégies inclusives de leur part. Pour mener cette recherche, nous nous fonderons sur différentes méthodes complémentaires de récolte de données. Tout d’abord, une série d’entretiens semi-directifs auprès d’une soixante d’étudiantes et d’étudiants, mettront au jour les différents imaginaires linguistiques récurrents et la cohérence interne de ces imaginaires. Ensuite, la technique du locuteur masqué qui permet d’observer le jugement social lié à l’emploi d’une forme langagière particulière, nous permettra de révéler des éventuels stigmates sociaux liés à certaines de ces formes ou au contraire l’éventuelle valorisation sociale dont elles peuvent faire l’objet. Enfin, un questionnaire auprès de plusieurs centaines d’étudiantes et d’étudiants des profils les variés nous permettra de produire un tableau plus général et représentatif du poids des différents imaginaires linguistiques au sein de l’Université.
Représentations langagières, idéologie linguistique, langage inclusif, étudiant, université, imaginaire linguistique